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Sortir de l'impasse bien-être/abolition...(2)

Ne doutez pas de la sincérité des personnes lorsqu’elles expriment leurs convictions et leurs sentiments. Soyez sincère vous-même. Commencez vos phrases par " je" au lieu de "vous". Entamez les discutions par le rappel du but partagé par tous et de la confiance en la bonne foi de chacun. Ces aspects parmi d’autres de la résolution constructive des conflits peuvent transformer des discussions tendues et frustrantes en terrains propices à la résolution de problèmes.


Clarification des termes


Une grande part de la crise actuelle provient d’une utilisation imprécise des mots destinés à décrire les autres militants et leurs techniques. Cet éclaircissement est offert dans l’espoir que, chez les militants pour la libération animale, les termes "abolitionniste" et "welfariste" soit tomberont en désuétude, soit seront employés avec plus d’honnêteté et de précision. Il existe des organisations et des gens qui estiment que les animaux sont considérés à juste titre comme des propriétés mais qu’ils devraient être traités plus humainement. C’est avec raison que ceux qui partagent cette conviction sont appelés "welfaristes". Ils prennent soin eux-mêmes de se distinguer de ceux qui oeuvrent pour les droits des animaux et, par conséquent, il ne devrait y avoir aucune confusion entre eux et ceux dont l’objectif ultime est la libération animale. Malheureusement, ces confusions sont apparues autant en raison de la rhétorique des "abolitionnistes" auto-proclamés que du comportement de certaines organisations qui militent conjointement pour les droits et le bien-être des animaux.

Les militants qui luttent pour les droits légaux des animaux et leur libération ultime militent parfois aussi en faveur d’une amélioration du bien-être des animaux qui existent aujourd’hui. Certains le font par stratégie pour obtenir un changement plus substantiel, certains sont motivés par des considérations éthiques et d’autres défendent une position double, à la fois éthique et stratégique. Ainsi, Ingrid Newkirk de PETA soutient que toute reconnaissance d’un droit quelconque de l’animal par les législateurs est un pas vers la reconnaissance de leurs pleins droits. Karen Davis d’United Poultry Concerns soutient que les individus animaux ne devraient pas être traités comme des objets sans importance que l’on peut sacrifier pour le bien de la classe d’animaux à laquelle ils appartiennent. Je soutiens que nous avons l’obligation morale d’écouter les animaux et que nous devons répondre à leurs souhaits clairement exprimés de connaître un soulagement immédiat de leur souffrance, par des moyens qui rendent la poursuite de leur exploitation non rentable. 

Ce n’est peut-être pas un hasard si nous sommes trois femmes qui avons participé à des actions telles que des sabotages de chasse, des infiltrations de laboratoires et des sauvetages au grand jour, tandis que les jugements les plus sarcastiques portés sur les réformes pour le bien-être ont été inspirés par les écrits d’un universitaire dont le discours repose sur une perspective éthique abstraite, qui ne s’appuie pas sur des actions menées auprès d’animaux exploités. Les femmes ont tendance à militer selon ce que des féministes universitaires ont nommé l' "éthique de la sollicitude" (1) alors que les hommes rejettent parfois les arguments qui ne relèvent pas d’un système abstrait de règles. Des féministes ont identifié cette préférence pour l’abstraction comme un élément relevant à la fois du spécisme et du sexisme. Les opposants au bien-être animal devraient veiller à respecter les différentes méthodes de raisonnements éthiques, et prendre particulièrement soin de ne pas se moquer des femmes qui expriment leur inquiétude quant à ce qu'endurent les animaux déjà existants et qui agissent en conséquence.

Cela ne veut pas dire que les militants pour le bien-être animal n’ont aucune part de responsabilité dans l’état lamentable du débat actuel. Tandis que la plupart prennent soin de ne pas traverser la ligne essentielle entre s’opposer à des pratiques particulièrement cruelles et promouvoir une exploitation animale "humaine", plusieurs gaffes notables ont donné une légitimité à l’équation erronée entre abolition de pratiques spécifiques de l’élevage industriel et promotion de la "viande heureuse". L’opacité et le manque de responsabilité des dirigeants de certaines organisations nationales ainsi que la véhémence de certains "abolitionnistes", font qu’il est difficile d’établir un dialogue productif.



Chaque camp peut aider à sortir le débat de l’impasse actuelle en faisant plus attention aux termes qu’il utilise, en prenant particulièrement soin d’éviter les emplois désobligeants de "bien-être" (et ses dérivés) ou les amalgames entre soutenir les réformes pour le bien-être et soutenir les produits issus d’élevages concernés par ces réformes, et enfin en étant plus ouvert, pendant les débats, aux critiques exprimées de façon respectueuse et appropriée.


 Respecter la biodiversité tactique


Les "abolitionnistes" autoproclamés dédaignent parfois toutes tactiques autre que la promotion argumentée d’une éthique végane. A l’autre bout du spectre, certains partisans des réformes pour le bien-être ont tout fait pour dénigrer ceux qui mènent des actions directes pour les animaux. Aucun camp, dans ce qui est devenu un débat dangereusement démoralisant, ne semble être conscient du fait que les changements structurels significatifs dans la politique ou l'économie nationales ou internationales ne se produisent qu’après une période d’agitation durant laquelle différents acteurs venus d’horizons différents, pour des raisons différentes, et par des moyens différents, on fait pression pour obtenir un même changement. Jamais dans l’histoire, un changement aussi considérable que celui que nous cherchons à obtenir ne s’est produit. Il ne peut certainement pas être obtenu avec des stratégies moins globales que celles qui ont été nécessaires pour obtenir, dans un seul pays, le droit de vote pour les femmes ou la journée de 8 heures.


Dans un monde où les peuples entrent en guerre pour ce qui semble être (vu de l’extérieur) des différences religieuses relativement mineures, l’idée que le monde  entier  pourrait  être  converti  au  véganisme par le  seul  moyen  de


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(1) ou éthique du care