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Communication politique avec les animaux...9


humains et au ton de leurs voix39; les humains réagissent aux sons que font les macaques. Les recommandations énoncées par Yeo et Neo à la fin de leur article se concentrent principalement sur ce que les humains peuvent faire. Par exemple, ils devraient être informés sur les conséquences de leur comportement (tel que nourrir des macaques) et sur le comportement des macaques afin qu’ils sachent comment les tenir à distance. Prendre en compte les interactions et se concentrer sur les deux côtés de la communication dans une perspective politique pourrait renforcer la voix et la position des macaques dans ce conflit. Les macaques communiquent déjà avec les humains et exercent une agentivité politique, en remettant en cause les frontières entre les communautés et en contestant la hiérarchie humain-animal. Apprendre à connaître les langages  des  uns  et  des autres, développer un nouveau langage commun et établir des rituels (politiques) pourrait permettre aux macaques de mieux comprendre les humains et vice versa.
 
Bien qu’inventer de nouvelles institutions susceptibles de faciliter ce type de communications politiques interspécifiques dépasse l’objet de cet article, l'élaboration de formes de salutations envisagées comme des rituels politiques pourrait constituer une première étape. Les salutations peuvent sembler ne pas avoir un contenu politique explicite, mais dans des conflits de cette sorte, elles pourraient tenir lieu de signe de reconnaissance par les humains de l’existence des macaques (comme des individus, comme des sujets) et par conséquent, constitueraient un  acte politique40. En outre, établir des rituels de salutation peut être utile pour définir les frontières entre les deux groupes. D’une façon générale, apprendre les rituels de salutations des autres animaux et mettre en place avec eux, respectueusement, de nouveaux rituels pourraient ouvrir la voie à des interactions politiques ultérieures et à des conversations plus étendues. Les macaques sont très réceptifs aux expressions faciales et aux gestes 41 et bien réagir à la façon dont ils s’expriment pourrait avoir une grande influence sur l’évolution de l’interaction.

Interprètes. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de comprendre entièrement quelqu’un pour pouvoir parler avec lui, une certaine compréhension de l’autre est indispensable pour être capable de répondre de manière appropriée. Les animaux domestiques et les humains ont une expérience culturelle sur laquelle s’appuyer ; beaucoup d’autres espèces animales (mammifères, oiseaux) sont également faciles à comprendre pour les humains sans qu’il leur soit nécessaire de les connaître au préalable, et vice versa.  C’est,  encore une fois,  une question de degré et il existe de nombreux types de relations et d’interactions possibles. Certains animaux (individus ou espèces) sont communicatifs, d’autres sont timides ; certains animaux ressemblent aux humains, d’autres, parce qu’ils sont trop petits ou trop différents physiquement, ne peuvent être compris par les humains qu’au prix d’une plus longue étude. L’éducation peut et devrait jouer un rôle au sein des communautés mixtes composées d’humains et d’animaux42 et entre les communautés, mais il paraît matériellement impossible d’apprendre les langages de tous les autres animaux de la même façon qu’il est impossible d’apprendre tous les langages humains.  Dans la communication politique entre humains,  comme il est impossible de parler toutes les langues,  soit les parties concernées utilisent une langue que tout le monde parle (comme l’anglais ou l’espagnol), soit un interprète est présent pour faciliter la conversation. Dans les relations et rencontres humain-animal, les interprètes peuvent également jouer un rôle.

Un interprète serait quelqu’un sachant comment interagir avec les animaux (certains types d’animaux) et les humains de manière significative, parler ou au moins comprendre les langages respectifs et faire comprendre à un groupe d’animaux la position des humains, ou l’inverse. Un interprète peut être un animal humain ou non humain, ou un binôme humain-animal (par exemple un humain et un compagnon animal qui facilite la communication entre un groupe d’animaux et un groupe humain). Les interprètes peuvent également  être utiles dans les relations avec les animaux (communautés ou individus) qui préfèrent avoir le moins de contact possible avec les humains ou avec ceux qui sont physiquement ou culturellement très différents des humains et par conséquent difficiles à interpréter. Ils peuvent aussi jouer un rôle crucial dans la promotion des voix des animaux dans des contextes culturels, juridiques et politiques humains en particulier lors de la transition entre les communautés politiques actuelles et de nouvelles communautés partagées.

Des situations différentes nécessiteront différents types d’interprètes. On peut imaginer un animal qui comprend les humains et qui peut traduire à son groupe ce qu’ils ont à dire (des animaux qui ont l’expérience des humains le font déjà en communiquant avec des animaux plus jeunes ou moins expérimentés), ou un humain qui comprend bien certains types d’animaux et peut traduire à un groupe d’humains ce que ces individus ou groupes d’animaux ont à leur dire. Jane Goodall qui a donné des noms plutôt que des nombres   aux   chimpanzés  qu’elle   étudiait,  est   un  exemple  d'interprète



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39. Selon les mots de Cindy, une résidente « Il m’est arrivé une fois de réprimander un singe qui m’avait tenté d’arracher mon sac. Il a paru comprendre ma réaction -  haussement de ton, doigt pointé vers lui,  et il a
40. Iris Marion Young dans Inclusion and Democracy, soutient que les salutations sont la condition nécessaire à la communication politique ; dans cet exemple les salutations sont déjà un acte de communication politique.
41. Dario Maestripieri, « Gestural Communication in Human and Non-Human Primates », Evolution of Communication 30.
42. Donaldson et Kymlicka font valoir que dans les communautés partagées humanimales, les animaux domestiques devraient avoir droit à une socialisation de base et le droit d’apprendre comment se comporter dans une communauté constituée d’humains et d’autres animaux. De même les humains, dans les communautés mixtes, doivent apprendre comment se comporter vis-à-vis des autres animaux de la communauté.