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Communication politique avec les animaux...3


et devoirs envers ces groupes d’animaux, et les animaux de ces groupes ont différents droits et devoirs envers les humains.

Donaldson et Kymlicka examinent en détail l’agentivité politique des animaux domestiques et soutiennent qu’ils sont capables d’exercer une agentivité politique démocratique en tant que concitoyens13. Ils distinguent trois caractéristiques nécessaires à l’exercice de l’agentivité politique démocratique qui, selon eux, valent aussi pour  les animaux domestiques : la possibilité d’avoir et d’exprimer un bien subjectif, la capacité de se conformer à des normes sociales au travers de relations, et celle de prendre part à l’élaboration des modalités d’interaction14. Afin de mieux conceptualiser ce qui précède,  ils se tournent vers des travaux récents sur la théorie du handicap15,en particulier ceux qui examinent la façon dont les personnes souffrant de handicaps mentaux graves peuvent exercer une agentivité, dite « agentivité dépendante »16, au travers de relations fondées sur la confiance. Exercer une agentivité dépendante, dans le cas des animaux domestiques, signifierait qu’ils peuvent communiquer leur point de vue aux humains qu’ils connaissent bien (et qui les connaissent bien également) et en qui ils ont confiance, lesquels les communiquent ensuite à d’autres humains. Les animaux domestiques ont aussi le droit d’être représentés politiquement par cette forme d’interaction17. En revanche, les actes politiques des animaux sauvages et liminaux visent à maintenir une distance vis-à-vis des communautés humaines (par des actes de protestation et de dissidence18, ou en votant avec leurs pieds). Il est important de noter que, parce que nous n’avons pas encore commencé à les considérer comme des citoyens, des résidents, ou des communautés souveraines, nous ignorons l’étendue et la forme exactes que prennent (et que pourraient prendre) l’agentivité politique des animaux. Souvent, nous ne savons pas qu’elles sont les capacités des animaux,  ni ce qu’ils veulent. Par conséquent, dans leurs relations avec eux, les humains doivent prêter attention à l’agentivité des animaux, et les encourager à s’exprimer. Nous ne savons pas vraiment comment (dans un monde plus sûr pour les animaux) les relations évolueront.

Communication et institutions. La théorie politique des droits des animaux de Donaldson et Kymlicka est importante car elle nous permet de voir les animaux différemment, comme des acteurs politiques, et parce qu’elle offre un nouveau cadre conceptuel pour explorer les questions relatives aux animaux et aux relations humanimales. Toutefois, bien que la théorie politique de Donaldson et Kymlicka soit prometteuse, elle soulève des questions concernant l’agentivité politique des animaux et la communication humanimale, ainsi que l’extension des concepts et institutions des  démocraties libérales humaines  pour y inclure les autres animaux. 

Donaldson et Kymlicka traitent amplement des questions de communication et de représentation dans le cas des animaux domestiques et font valoir que ces animaux peuvent faire preuve d’agentivité (politique) par le biais de relations étroites avec les humains. Quoique cela puisse bien fonctionner pour certains animaux domestiques, tous ne seront pas capables (ou ne voudront pas) communiquer avec les humains de cette manière, à cause d’expériences mauvaises ou simplement parce qu’ils n’aiment pas beaucoup les humains, et certains animaux risquent de former des préférences adaptatives. De plus, nous avons besoin d’une théorie de la communication politique avec les animaux sauvages et liminaux. Les humains et les animaux non domestiques partagent des habitats, voyagent à travers les territoires des uns et des autres, coopèrent19, et ont des conflits20; ces rencontres ne sont pas accidentelles mais inhérentes au fait que les humains et les animaux partagent un même monde. Bien que Donaldson et Kymlicka donnent de nombreux exemples de relations et d’interactions humanimales, ils ne proposent pas de théorie de la communication politique. Si nous considérons que les animaux sont des acteurs politiques – citoyens, résidents ou membres de communautés souveraines  –  nous devons réfléchir à la manière dont ils peuvent faire entendre leurs voix sur les sujets qui les concernent, au sein des communautés et entre celles-ci. Comme le soulignent à plusieurs reprises Donaldson et Kymlicka, les animaux communiquent avec les humains (et entre eux). Ils ne sont pas silencieux, bien qu’ils soient souvent représentés comme tels. Par la communication, humains et animaux s’expriment et découvrent le point de vue de l’autre. En plus d’apprendre sur les langages des animaux, nous devons réfléchir à des langages nouveaux, communs, basés sur la communication humanimale existante. Dans certaines situations, cette communication sera semblable à la communication (politique) humaine ; dans d’autres,   elle    sera   très  différente.  Parfois,  elle   sera   immédiatement




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15. L.P. Francis et Anita Silvers, « Liberalism and Individually Scripted Ideas of the Good : Meeting the Challenge of Dependent Agency »  Social Theory and Practice 33/2.»      
16. S. Donaldson et W. Kymlicka, op. cit., p. 104-108.
17. Le concept d’agentivité dépendante ne nous dit pas seulement quelque chose au sujet de l’agentivité politique dans le contexte de la citoyenneté animale. Donaldson et Kymlicka veulent aussi que nous portions notre attention sur le rôle que jouent les relations dans la citoyenneté humaine ; nous dépendons tous des autres à certains moments de nos vies et les relations sont importantes dans chaque communauté politique. Dans les relations humains-animaux, les animaux influencent aussi les humains.
18. Voir Jason Hribal, Fear of the Animal Planet: The Hidden History of Animal Resistance.
19. Voir Barbara Smuts, « Encounters with Animals Minds », Journal of Consciousness Studies 8.5-7. 
20. Clare Palmer, « Placing Animals in Urban Environmental Ethics », Journal of Social Philosophy 34.1, et Jennifer Wolch, op. cit.